Cela fait à présent plus d’un an que la crise sanitaire s’est installée dans nos vies. Plus d’un an que nous vivons les yeux rivés sur les indicateurs quotidiens de la pandémie, nous demandant de quoi demain sera fait…
Les effets économiques et sociaux de la crise se sont amplifiés. Certains secteurs professionnels (horeca, culturel) basculent dans la pauvreté. Les emplois se raréfient, les opérateurs de la réinsertion sont suspendus aux quelques occasions de relancer la dynamique chez les chercheurs d’emploi. Et tout ce marasme, assombri par la menace d’un nouveau confinement plus strict, détériore sérieusement la santé mentale. Tout un chacun est impacté et plus encore ceux et celles fragilisés au départ : personnes ayant des troubles psychiques, en situation de pauvreté, isolées, âgées, victimes de violences conjugales, etc., auxquelles s’ajoutent de nouvelles catégories telles que les indépendants, les jeunes, les enfants. Les professionnels du social et du soin affichent eux-mêmes des signes d’usure morale, psychologique.
Sans y être préparés, ils se sont lancés dans de nouvelles organisations du travail, poignant dans l’urgence, la priorisation contrainte, les solutions alternatives, la temporisation, le tout distanciel, le présentiel en gardant ses distances, le mixte distanciel/présentiel, … Ils ont fait front à des difficultés multiples : stress, surcharge de travail, obligation de s’adapter en permanence au gré des nouvelles mesures sanitaires, dilemmes éthiques, frustration, culpabilité…
Et pourtant, transparaissent aussi de leurs contributions à ce dossier des motivations fortes, des élans d’enthousiasme, des idées neuves, un certain art du bricolage au cas par cas, des convictions plus aiguisées. La crise met en évidence ce qui fait la richesse de ces métiers du soin et de l’aide et qui ont à cœur la personne, la relation, la confiance, l’empathie, la socialité, le respect de chacun, de ses rythmes, différences, histoires singulières ; dimensions qu’elle a malmenées, presque niées, diraient certains, au profit des aspects biomédicaux.
La pandémie continue à brimer notre humanité et il nous faut toujours vivre avec, mais des premières analyses, des débuts de prise de recul, des appels à reconsidérer ce qui doit faire priorité se font entendre. Les acteurs du Social renouent avec la dimension politique que contiennent leurs convictions et que réclame leur éthique ou conscience professionnelle. Ils revendiquent ainsi une plus grande attention aux individus dans leur particularité et leur globalité, un plus grand accès aux droits pour les publics plus fragiles et plus durement touchés par la crise, une remise en question des mesures sanitaires et des sanctions associées discriminantes et inégalitaires, et enfin davantage de moyens pour leurs secteurs, trop souvent d’ordinaire déjà mis à la diète.
Colette LECLERCQ & Romain LECOMTE